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Table ronde: transport durable


Emballages sur mesure, données intelligentes et transport respectueux de l’environnement

 

L’empreinte écologique des groupes postaux n’est pas à négliger, en particulier avec la hausse spectaculaire de l’e-commerce. La demande de modèles logistiques innovants et durables augmente elle aussi. Même si les nouvelles technologies sont souvent déjà disponibles, les groupes postaux doivent les mettre en œuvre à grande échelle. “Et cela exige un travail véritablement sur mesure”, souligne Paul Vanwambeke, directeur Urban Logistics chez bpost.

Avec la croissance spectaculaire de l’e-commerce, nous avons vu nos villes et villages envahis par des camionnettes. En 2022, sont-elles encore la meilleure option pour la livraison de tous ces colis? Ou d’autres alternatives plus écologiques sont-elles en train d’émerger?

Paul Vanwambeke, directeur Urban Logistics chez bpostgroup: “D’un point de vue purement écologique, la solution la plus évidente consisterait à remplacer tous les véhicules diesel par des voitures électriques. Cependant, chez bpost, nous regardons plus loin, en particulier pour les environnements urbains. Bien que le vélo ait joué un rôle essentiel chez nous pendant des décennies, les colis ne peuvent être transportés de la même façon que le courrier. Néanmoins, les choses évoluent sur ce plan. Nous sommes convaincus du potentiel des vélos cargos. Avec l’université de Liège, nous étudions entre autres les moyens les plus adaptés pour livrer des colis dans une ville et les innovations dont nous avons besoin pour ce faire.”

 

Quelles conclusions avez-vous déjà tirées de ces recherches?

Tanguy Baiwir, assistant à HEC École de gestion de l’université de Liège - département logistique: “La réponse se trouve plus que jamais dans la multimodalité. Chaque solution de transport a ses atouts. Les vélos cargos, par exemple, sont moins rapides mais plus maniables que les camionnettes, et prennent moins de place dans le trafic. Ils sont donc prioritairement utilisés dans des zones densément peuplées. Dans les zones rurales, en revanche, les voitures électriques constituent le meilleur choix. Parallèlement, ces solutions exigent des investissements considérables dans des infrastructures de recharge.”

Heleen Buldeo Rai, experte en logistique urbaine et e-commerce, auteure de Duurzaam online shoppen, praktijkgids voor e-commerce van morgen et chercheuse post-doctorante à l’université Gustave-Eiffel: “Je crois aussi beaucoup au potentiel des vélos cargos. Mais ils sont plus efficaces lorsque leur parcours débute à proximité des centres-villes, dans des lieux adaptés où ils peuvent se réapprovisionner. C’est un véritable défi que de trouver des sites logistiques dans les centres-villes. C’est pourquoi je plaide moi aussi en faveur d’une flexibilité maximale. Dans certaines villes, tous les parkings souterrains ont par exemple été transformés en vue de cette logistique urbaine. Cela peut être une piste intéressante.”

 

Quel rôle les consommateurs jouent-ils dans la mise en place de ces nouveaux concepts?

Paul Vanwambeke: “Leur rôle est essentiel. Nous devons éviter de nous concentrer uniquement sur les moyens de transport. La problématique est nettement plus large. En tant que consommateur, quelle est l’option que je choisis lorsque je fais des achats? Où et dans quel délai est-ce que je souhaite recevoir mon colis? Écologiquement parlant, nous pouvons opter pour des moyens de transport plus respectueux de l’environnement, mais le comportement des acheteurs est tout aussi important. Ceci étant dit, bpost a une mission spécifique à remplir. Et en livrant le colis là où le client le désire – à la maison, chez un voisin ou dans un point d’enlèvement –, nous évitons des déplacements inutiles tout en facilitant la vie du consommateur.”

 

Paul Vanwambeke

Active Ants, une filiale de bpostgroup spécialisée dans le fulfilment, vient d’acheter un robot capable de fabriquer des boîtes en carton sur mesure.

Paul Vanwambeke
Directeur Urban Logistics chez bpostgroup

 

Dans les zones rurales, les camionnettes demeurent le meilleur choix. Comment peuvent-elles être utilisées de manière efficace – en d’autres termes, remplies au maximum?

Heleen Buldeo Rai: “La solution consiste à faire collaborer davantage toutes les parties concernées: webshops ou vendeurs, fournisseurs de services logistiques et consommateurs. Nous pourrions vraiment améliorer la communication avec les consommateurs. Par exemple, la promesse standard de ‘livraison le lendemain’ est-elle tenable dans les zones moins peuplées? Les flux de marchandises doivent aussi être davantage regroupés, même si cela exige que les parties impliquées partagent davantage leurs données. Nous progresserons mieux en tenant compte d’un maximum de paramètres sur la base d’un maximum de données.”

 

Le marché est-il prêt pour un modèle où les webshops et les acteurs de la logistique rassembleront leurs flux de marchandises à un endroit donné, par exemple à la périphérie d’une ville, et les distribueront à partir de ce site?

Tanguy Baiwir: “Les initiatives de ce genre se multiplient. La Région wallonne soutient notamment le projet City Line, dont l’objectif est de fédérer toutes les parties impliquées dans le processus de livraison pour évoluer vers une approche plus efficace et responsable d’un point de vue environnemental.”

Paul Vanwambeke: “Chez bpost, nous prenons nos responsabilités. Nous voyons, dans notre réseau très dense d’environ 200 bâtiments en Belgique, l’occasion rêvée d’optimiser les flux logistiques. Le principal défi se situe au niveau de l’amélioration de la collaboration entre tous les acteurs et opérateurs, qui sont souvent des concurrents historiques. Nous n’en développons pas moins des projets pilotes à Namur, Malines et Anvers pour faire collaborer tous ces partenaires. Ces projets font partie du concept plus large d’Ecozone, où non seulement les livraisons se font sans émission de CO2, mais où nous essayons de changer les comportements des expéditeurs et des destinataires.”

 

Quelles autres innovations purement techniques pourriez-vous citer en la matière?

Heleen Buldeo Rai: “Nous nous intéressons tout particulièrement aux alternatives aux fourgonnettes classiques, c’est vrai, mais nous ne devons pas perdre de vue les camions; nous en avons encore besoin. Il devrait être possible de faire rouler des camions neutres en CO2.”

Paul Vanwambeke: “Les données intelligentes nous permettront de prendre de meilleures décisions. Si nous remarquons qu’un client n’est jamais chez lui le mardi, nous pouvons le contacter proactivement pour lui proposer un autre jour de livraison. Chez bpost, nous tentons aussi de changer les mentalités. Les clients qui ne sont pas certains d’être chez eux le jour prévu peuvent faire livrer leur colis dans un point d’enlèvement par le biais de notre app. J’ai le sentiment que les clients sont ouverts à ce type de changement, à condition de ne pas sacrifier leur confort. Sur le plan de la mobilité, nous ne sommes qu’au début d’une évolution d’envergure: de nouveaux véhicules durables, à mi-chemin entre les vélos classiques et les fourgonnettes habituelles, seront bientôt disponibles. Nous devrions en outre disposer de véhicules semi-autonomes.”

 

Heleen Buldao Rai

Les consommateurs semblent prêts à attendre un peu plus longtemps pour recevoir leur colis, ce qui devrait permettre de réaliser des économies.

Heleen Buldao Rai
Experte en logistique urbaine et e-commerce

 

Autre problème récurrent dans la distribution de colis: la taille excessive des emballages, qui fait perdre beaucoup d’espace utile dans les véhicules. Entrevoyez-vous des innovations concrètes dans ce domaine?

Heleen Buldeo Rai: “Le potentiel d’amélioration reste majeur. Heureusement, les choses avancent. Pensez aux machines à emballer qui conçoivent des boîtes sur mesure pour le produit à expédier. Certes, cela exige des investissements peut-être trop élevés pour les PME, mais pour les grands spécialistes du traitement des commandes, cela peut faire une réelle différence. Le problème est bien entendu que les emballages en carton sont relativement bon marché. Les entreprises doivent donc avoir franchi un pas pour être prêtes à investir dans des emballages écologiques. Quoi qu’il en soit, je suis séduite par les emballages réutilisables. Les vêtements, qui dominent l’e-commerce, sont parfaitement adaptés à ce type d’emballage. Mais c’est précisément parce que le carton et le papier sont si bon marché et déjà en grande partie recyclables dans notre pays que les emballages durables – souvent plus chers – et réutilisables ne seront rentables qu’à partir d’un nombre minimal de cycles de réutilisation. Pour la plupart des boîtes réutilisables, il faut compter 30 à 80 utilisations, tandis que, pour les sacs réutilisables, il suffit de quelques cycles pour les rentabiliser. Morale de cette histoire: il n’existe pas d’ e-commerce standardisé, ce qui nous oblige à chercher tout un éventail de nouvelles solutions.”

Paul Vanwambeke: “Active Ants, une filiale de bpost-group spécialisée dans le fulfilment, vient d’acheter un robot capable de fabriquer des boîtes en carton sur mesure. Jusqu’à présent, nous travaillions avec trois formats standard; ce robot, à l’inverse, autorise une personnalisation illimitée. Reste que les sacs et emballages plastiques réutilisables créent effectivement une alternative intéressante, que nous sommes en train d’étudier.”

 

Les livraisons gratuites du commerce en ligne seront-elles encore longtemps tenables?

Heleen Buldeo Rai: “Les recherches le montrent, les consommateurs ne sont pas prêts à renoncer à la gratuité de la livraison et des retours. Et pour les acteurs de petite taille, il est impensable de ne pas s’aligner sur les grands acteurs. La bonne nouvelle est que ces mêmes consommateurs sont tout à fait prêts à attendre un peu plus longtemps pour recevoir leur colis, ce qui devrait permettre de réaliser des économies.”

Tanguy Baiwir: “Absolument. Les consommateurs ne sont pas demandeurs de livraisons de plus en plus rapides. Il y a donc des opportunités pour bpost: interrogez les clients, faites en sorte qu’ils puissent choisir entre plusieurs options durables et élargissez cette offre. À terme, nous devrons évoluer vers une situation où les clients paieront davantage pour recevoir leur colis le lendemain. C’est aussi une question de logique économique.”

Paul Vanwambeke: “À mes yeux, il est de notre responsabilité de rendre les choix les plus durables aussi accessibles que possible pour les consommateurs. Nous devons bien entendu être rémunérés pour ce service. Car la durabilité ne se limite pas à une réduction des kilomètres parcourus ou de la consommation de carburants fossiles. Il s’agit également d’emplois durables: nous souhaitons rémunérer correctement notre personnel, lui assurer de bonnes conditions de travail et lui offrir des perspectives professionnelles.”

 

Tanguy Baiwir

Les vélos cargos, par exemple, sont moins rapides mais plus maniables que les camionnettes, et prennent moins de place dans le trafic. C’est idéal en milieu urbain.

Tanguy Baiwir
Université de Liège